La route vers l'investiture pour la présidentielle leur est désormais grande ouverte : Donald Trump et Hillary Clinton ont largement dominé leurs rivaux lors des primaires américaines du « Super Tuesday ». « Ce fut une soirée fantastique. » Depuis Palm Beach, en Floride, l'exubérant milliardaire de 69 ans s'est présenté comme le seul capable de rassembler le Parti républicain et de l'emporter face à la candidate démocrate le 8 novembre. « J'ai des millions et des millions de personnes (derrière moi), le match n'est même pas serré », a-t-il insisté, dans un discours au ton plus consensuel qu'à l'habitude où il a tendu la main à certains de ses rivaux. Le Grand Old Party, qui espère retrouver la Maison-Blanche en janvier 2017 après deux mandats du démocrate Barack Obama, est cependant divisé sur la candidature du magnat de l'immobilier, dont les provocations et le style abrasif dérangent et inquiètent. Géorgie, Massachusetts, Tennessee, Alabama, Virginie, Arkansas, Vermont : après une impressionnante série de victoires, l'homme d'affaires, qui a brisé un à un les codes de la politique américaine, a donné rendez-vous aux électeurs de Floride, où aura lieu la prochaine primaire, le 15 mars. La défaite du jeune sénateur Marco Rubio en Virginie, où il nourrissait de réels espoirs, sonne comme un revers pour celui qui espère encore rallier sur sa candidature tous les « anti-Trump ». Mais sa victoire dans le Minnesota - sa toute première des primaires - lui apporte cependant une bouffée d'air. Comme attendu, Hillary Clinton l'a, elle, emporté haut la main dans les États du Sud, où les minorités lui confèrent un grand avantage : Géorgie, Alabama, Tennessee, Virginie, Arkansas, Texas. Dans un discours prononcé depuis Miami, l'ancienne secrétaire d'État, 68 ans, qui a également remporté le Massachusetts et l'archipel américain des Samoa, s'est déjà projetée vers le scrutin de novembre, réservant ses piques aux républicains. « Le niveau du discours dans l'autre camp n'a jamais été aussi bas », a-t-elle jugé, dénonçant, dans une allusion aux propositions de Trump sur les Mexicains ou les musulmans, la stratégie consistant à « diviser l'Amérique ». Seul rival de l'ancienne première dame dans le camp démocrate, le sénateur Bernie Sanders l'a emporté dans son fief du Vermont, frontalier du Québec, ainsi que dans l'Oklahoma, le Colorado et le Minnesota.
Comme en Caroline du Sud samedi, Hillary Clinton a remporté la quasi-totalité du vote noir en Virginie : 82 %, selon les sondages de sortie des urnes. Deux tiers des électrices démocrates ont également voté pour elle. Mais la base de Bernie Sanders parmi les jeunes démocrates ne s'érode pas : 71 % des 17-29 ans ont voté pour lui dans cet État. Et sa campagne a encore les moyens financiers de poursuivre le combat pendant plusieurs mois. Visiblement épuisé, le sénateur de 74 ans a tenté de faire bonne figure, rappelant que la course était encore en longue : « 35 États doivent encore voter », a-t-il lancé lors d'un discours où la flamme qui a marqué sa campagne jusqu'ici semblait éteinte. Le sénateur ultra-conservateur du Texas, Ted Cruz, l'a emporté dans son fief ainsi que dans l'Oklahoma, sauvant la mise et sans doute sa campagne. Preuve des tensions qui traversent le camp républicain, Donald Trump est la cible d'attaques tous azimuts auxquelles il répond, pour le plus grand plaisir des larges foules qui viennent l'applaudir, du tac au tac. En trois jours, il s'est vu reprocher d'avoir refusé de condamner le Ku Klux Klan, d'avoir retweeté une citation de Benito Mussolini, de forcer sur le faux bronzage ou encore d'être lié à la mafia du bâtiment.
Certains conservateurs affirment désormais publiquement qu'ils ne voteront pas Donald Trump à la présidentielle. Le rival républicain malheureux de Barack Obama en 2008, John McCain, a jugé « inquiétant » le niveau du débat dans son camp, appelant de ses voeux une campagne présidentielle « qui ne se concentre pas sur la taille des oreilles des gens » ou « leurs problèmes de sudation ». Reflétant la perplexité de nombre de dirigeants occidentaux face à la montée en puissance de Donald Trump, le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, en visite à Washington, s'est invité dans le débat politique américain. « Construire des murs est une très mauvaise idée, peu importe qui les finance », a-t-il lancé, dénonçant « les politiques de la peur (...) dangereuses pour l'Europe comme pour les États-Unis ». Selon un sondage CNN publié mardi, les démocrates l'emporteraient dans tous les cas dans un duel face au milliardaire, avec une marge légèrement plus confortable pour M. Sanders (55 % contre 43 %) que pour Mme Clinton (52 % contre 44 %).