
Avec son internet ultra-rapide omniprésent et ses 91% de la population qui possèdent un smartphone, la Corée du Sud est considérée comme le pays le plus connecté au monde et pourtant, elle refuse obstinément d’autoriser l’usage de la télémédecine – ces technologies qui permettent à un médecin de soigner un patient à distance. Le gouvernement vient de lancer un projet pilote très timide… Projet qui est déjà controversé.
Le ministère de la Santé lance un projet qui vise à connecter 1 000 Sud-Coréens vivant dans des zones très reculées, comme des îles, à 50 hôpitaux. L’idée est de permettre des consultations et des prescriptions de médicaments à distance, pour des maladies qui ne sont pas trop graves en s'appuyant sur un réseau internet très puissant, et l'engouement des Sud-Coréens pour le smartphone.
Le projet fait partie des efforts du gouvernement sud-coréen pour soutenir ses hôpitaux et ses entreprises qui veulent développer de tels services. La télémédecine est un secteur en pleine croissance : cela va des consultations en visioconférence à l’utilisation de machines qui peuvent à distance prendre des mesures médicales – comme le battement cardiaque ou le taux de glycémie – et administrer des soins.
Les géants sud-coréens des nouvelles technologies et des télécommunications, comme Samsung ou SK Telecom, sont dans les startingblocks. Ils font pression pour réviser la loi qui n’autorise pour le moment que des communications à distance entre deux professionnels de santé.
Mais ils se heurtent à l’opposition farouche des médecins coréens, vent debout contre la télémédecine. Ces derniers craignent que la télémédecine ne signe l’arrêt de mort de tous les petits hôpitaux et cliniques de campagne, quand les patients pourront bénéficier de soins administrés à distance par les plus grands hôpitaux à Séoul. Des établissements qui eux auront les moyens de s’offrir ces nouvelles technologies.
Les médecins s’inquiètent aussi du risque de mauvais diagnostics ou d’accidents médicaux. Leur opposition, exprimée via des grèves et des boycotts, a permis de bloquer depuis 10 ans le vote par le Parlement d’une loi autorisant la télémédecine, au grand dépit d’un gouvernement qui lui cherche surtout à soutenir ses industries exportatrices.
Les dangers liés aux vols de données en ligne inquiètent aussi les médecins. Des affaires de piratage informatiques frappent régulièrement les plus grandes entreprises de Corée, et la protection des données personnelles est un problème majeur ici. Chaque Coréen s’est déjà fait voler ses informations privées plusieurs fois et on peut craindre le pire quand il s’agira de données vitales pour leur santé. Ou quand les patients auront des smart gadgets médicaux implantés partout dans le corps…
L’année dernière,des hackers nord-coréens ont par exemple réussi à pirater les serveurs d’un hôpital universitaire à Séoul. Et il n’y a pas que le piratage : toutes ces informations médicales confidentielles peuvent être vendues. Elles peuvent par exemple intéresser des compagnies d’assurance. L’entreprise SK Telecom est ainsi déjà été accusée d’avoir revendu illégalement à des pharmacies les données privées de quelque 15 millions de patients