Pris entre les rebelles et le gouvernement, les civils d'Alep "ne savent pas à qui se fier"

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Le régime syrien gagne du terrain à Alep et la reprise totale aux rebelles de la partie Est de la ville semble n'être qu'une question de temps.

Longtemps et âprement disputée, Alep est en passe de passer entièrement sous le contrôle du régime Damas. L’armée syrienne a gagné ces dernières semaines beaucoup de terrain dans la grande ville du nord de la Syrie, coupée en deux depuis l’été 2012. Les forces du pouvoir syrien contrôlent désormais environ 80 % des quartiers Est, aux mains des rebelles.

Régis le Sommier est reporter de guerre et directeur adjoint du magazine Paris Match. Il a couvert le conflit syrien en se rendant sur place à plusieurs reprises depuis 2011 et se trouvait à Alep encore fin septembre.

Deux facteurs ont été décisifs cette dernière année. En premier lieu, l’intervention militaire de la Turquie, qui s’est faite avec l’aval de Moscou, dans le but officiel de combattre l’EI. Elle a demandé l’appui de rebelles syriens.

En réalité, l’intervention d’Ankara avait pour but d’empêcher les kurdes de faire la jonction entre leurs deux enclaves, celles d’Afrin et de Kobané. Mais en mobilisant des rebelles qui combattaient à l’origine à Alep, modérés et islamistes d’ailleurs comme la brigade Noureddine al-Zinki, elle a contribué à affaiblir la rébellion à Alep et donc à faciliter l’avancée de l’armée syrienne. L’autre facteur qui a marqué un tournant a été la prise de la fameuse route du Castello par Damas en juillet 2016. Avec moins de factions rebelles et aucun ravitaillement possible, la rébellion s’est retrouvée en position de faiblesse.

Aujourd’hui, avec l’aide de la Russie, Damas a repris le dessus. Le départ d’Assad n’est plus du tout d’actualité. En même temps que l’avancée à Alep, il y a des négociations de trêve qui aboutissent dans d’autres villes assiégées, où les rebelles acceptent de sortir en rendant les armes. Ils sont ensuite conduits par les autorités syriennes à Idleb. Là-bas, les rebelles n’ont pas su proposer de projet alternatif, par exemple un modèle de société démocratique. La plupart de ceux qui mènent le combat sont islamistes, Idleb est devenue la capitale d’Al-Nosra (branche syrienne d’Al-Qaïda il y a encore quelques mois) et la charia y est appliquée.

40 ans que la Russie est présente en Syrie et les deux pays entretiennent des liens très étroits. Pour la Russie, la Syrie c’est l’ouverture vers la Méditerranée. L’appui de la Russie à Damas ne va que confirmer cela.

La situation des civils de l’Est est terrible. Les rebelles essaient de se servir d'eux comme boucliers humains, et de l’autre côté [à l'Ouest], c’est le gouvernement, mais les civils ne savent pas s’ils peuvent faire confiance et ont peur d’être arrêtés. On a pu voir ces derniers jours les images des bus verts de l’État qui amènent les déplacés d’un endroit à l’autre. Mais les destructions sont telles dans toute la ville qu’on imagine mal où ces personnes vont pouvoir être logées.